Des passagers congolais d’un vol d’Air France sans carburant suffisant échappent peu à un crash au dessus du Tchad
Les Congolais qui étaient dans ce vol qui a fait un escale technique à Ndjamena, l’ont échappé belle…Le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) a publié hier un rapport épinglant la compagnie aérienne Air France pour des incidents récurrents lors desquels les pilotes ont ignoré les règles de sécurité. Et l’appelle à remettre le respect des procédures « au centre de la culture de sécurité de l’entreprise »
Le rapport publié le 23 aout 2022 concerne un incident spécifique, celui survenu le 31 décembre 2020 à bord de l’Airbus A330-200 immatriculé F-GZCJ de la compagnie nationale française reliant l’aéroport de Brazzaville-Maya Maya à sa base à Paris-CDG. Le vol régulier AF735V a décollé comme prévu, mais les pilotes arrivés à l’altitude de croisière détectent « qu’il manque environ 1,4 tonne de carburant dans les réservoirs ». L’équipage surveille l’évolution des quantités carburant, poursuite le rapport, le commandant de bord quittant le poste de pilotage pour son tour de repos quelques minutes plus tard en demandant aux copilotes de surveiller l’évolution des quantités carburant. Environ vingt minutes plus tard, les copilotes le rappellent car il manque alors environ 2,1 tonnes de carburant.
« L’équipage débute la procédure FUEL LEAK puis l’interrompt à la ligne qui prévoit la coupure du moteur du côté de la fuite suspectée (ici côté gauche), en choisissant de maintenir ce dernier en fonctionnement. L’équipage se déroute sur l’aéroport de N’Djamena (Tchad) « où il effectue une approche RNAV en piste 23 et y atterrit 1 h 47 après l’identification de la fuite. L’alarme ROPS, avertissant d’un risque de sortie de piste, s’active au moment du toucher des roues. Le PF freine fortement et la température des freins augmente jusqu’à 600 °C ». LE BEA souligne que les deux moteurs sont maintenus en fonctionnement ; « l’équipage réalise un demi-tour sur la raquette en bout de piste, puis coupe le moteur 1 (moteur gauche) alors qu’il roule vers le parking. L’équipage immobilise l’avion sur les aires de parking et coupe le moteur 2 . Les pompiers qui s’étaient positionnés à proximité de l’avion depuis l’atterrissage interviennent après la coupure du moteur 2 en dispersant de l’eau sous le moteur 1. Les passagers sont débarqués sans autre incident ». Le vol a duré 2 h 21, et la perte de carburant entre le décollage et la coupure du moteur 2 au parking a été estimée à environ 5,7 t dont 5,3 t en vol. Un examen du moteur 1 a révélé que la fuite de carburant se situait « au niveau de la bride supérieure de la tuyauterie principale de carburant qui assure l’interface entre le mât et le moteur ».
Le CDB du vol en question « est entré à Air France en 2002 après une carrière de pilote militaire. Sa transition CDB moyen-courrier a été effectuée sur 737 chez Transavia où il a volé quatre ans. Il avait terminé son adaptation en ligne sur A330 en février 2020. Le copilote est entré à Air France en décembre 2016, après une carrière militaire, puis d’ingénieur. Le copilote suppléant est entré à Air France en octobre 2016 après une carrière de pilote militaire et une expérience d’instructeur sur simulateur de vol (SFI) chez Airbus, notamment sur A330 ».
Le 30 septembre 2020, l’avion était sorti de visite dite « Interruption Longue », sous-traitée par Air France à l’atelier de maintenance HAECO, situé à Xiamen (Chine). Elle incluait la dépose et la repose des deux moteurs, impliquant le démontage et le remontage de la bride supérieure de la tuyauterie principale de carburant. Aucune fuite n’a été constatée à cette interface lors des contrôles à la fin des opérations de maintenance, notamment lors de la mise en pression du circuit de carburant.
©BEA
Le BEA a suite à cet incident émis une recommandation de sécurité concernant le respect des procédures par Air France, soulignant « une certaine culture installée chez certains équipages d’Air France qui favorise une propension à sous-estimer l’apport d’une application stricte des procédures pour la sécurité ». La décision de ne pas couper le moteur 1 a créé un risque important d’incendie et entraîné une diminution importante de la marge de sécurité du vol ; « un risque d’incendie important existait, d’autant que le compartiment du moteur dans lequel a eu lieu la fuite est une zone chaude, où les surfaces du moteur dépassent souvent la température d’auto-inflammation du carburant », détaille le rapport. Si le BEA souligne le nombre « extrêmement limité » de vols Air France donnant lieu à des enquêtes, il cite entre autres un double incident les 28 et 30 mars 2017 « lors duquel un même équipage a effectué une montée en vol trop rapide », ou celui du 12 septembre 2020 quand un Airbus A318 « s’est affranchi des procédures opérationnelles afin de réaliser une arrivée rapide en piste à Paris-Orly ».