POLITIQUE

Isidore Mvouba empêtré dans un trafic d’ossements humains

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Récit de son ex chauffeur depuis la maison d’arrêt de Brazzaville :

Il est des histoires qui ressemblent aux ¨contes de mille et une nuits¨ d’Amadou Koumba. Mais celle dans laquelle Isidore Mvouba serait présenté comme le cerveau penseur d’une affaire de « trafic d’ossements humains à des fins de pratique de magie noire qui lui procureraient un ascendant mystique sur Sassou », à en croire le témoignage de son chauffeur, en prison depuis des mois durant, s’apparente à une aventure mystérieuse.

Nous avons reçu sur la table de notre rédaction le témoignage de Jacques Malela, chauffeur ayant travaillé de 2008 à 2010 au cabinet de la Primature. Ce dernier aurait été congédié pour avoir réclamé 13 millions de Fcfa, représentant la récompense que devait lui donner Mahoungou Tekanima Fréderic, le directeur administratif et financier (DAF) du premier ministre, chargé de l’action gouvernementale et des privatisations, Isidore Mvouba, à l’issue d’une mission ¨kamikaze¨ qui aurait consisté au transport de nuit de six cercueils hermétiquement fermés. Ceux-ci, aux dires de Malela Jacques, étaient partis du cabinet de la Primature via quartier Météo, arrondissement 1 Makélékélé, vers l’académie militaire Marien Ngouabi, sur la route nationale n° 2. A la suite du témoignage pathétique ci-dessous, ¨La Voix du Peuple¨ a déjà usé de tout son tact pour avoir la version des faits des concernés (Mvouba et Mahoungou), hélas, visage de bois ! Aux dernières nouvelles, les deux personnes seraient en France, l’une suivrait des soins médicaux tandis que l’autre s’y serait ¨ refugiée ¨. En attendant qu’ils se fendent d’un droit de réponse dans nos colonnes, voici ¨in extenso¨ le témoignage, mis en forme par la rédaction, de Jacques Malela, le chauffeur par qui le scandale arrive.

Témoignage de Jacques Malela

« En date du 20 mars 2009, j’ai été recruté comme chauffeur à la Primature par note de service n°1000/PM-CAB du 20 mars 2008. Conformément à mes fonctions, j’étais chargé des courses du cabinet du premier ministre, chargé de l’action gouvernementale et des privatisations. De par ma façon de travailler, je me suis lié d’amitié avec le directeur administratif et financier (DAF), monsieur Mahoungou Tekanima Fréderic. Un jour, ce dernier, souriant comme un gamin qui prend sa première communion, me fit venir dans son bureau. Cette humeur joviale à laquelle je commençais à m’y accommoder ne me fit douter de rien. – « Jacques, m’appela le DAF, tu es mon petit, je ferais de toi un homme valeureux si tu parvenais à accomplir la mission que je vais te confier dans les jours à venir, me dit-il d’un ton courtois tel un moine du XIVème siècle ». Au plus profond de moi-même, je ne cessai de me demander de quelle mission il s’agissait. Je pensais beaucoup plus à une mission de femmes, surtout qu’il aimait promener un regard appétissant sur la gente féminine en service à la Primature.

« Je vais t’acheter une parcelle de 13 millions… à condition que tu transportes des colis… »

Un jour pair, pendant que je déambulais dans les couloirs du cabinet ministériel, le DAF Mahoungou Tekanima me fit signe de le suivre à son bureau. Aussitôt, je me précipitais de me rapprocher de lui, certainement, me disais-je, pour accomplir une mission de routine en rapport avec mes fonctions. « Assieds-toi mon petit, me dit-il d’un air sérieux ». Sans perdre haleine, je m’installais dans le fauteuil face au DAF et me mis à ingurgiter ses promesses : «je vais t’acheter une parcelle de 13 millions dans un quartier de Brazzaville, à condition que tu transportes les colis que je vais te confier, me souffla-t-il à l’oreille ». Pour commencer, ajouta-t-il, prends la voiture Toyota garée au parking, et emmène là chez toi pour la mission capitale que tu vas accomplir demain matin, avant le lever du jour, de peur que des curieux ne s’en aperçoivent.

Il me serra la main en signe de solidarité et d’amitié, tout en me demandant de n’en parler à personne et ensuite, d’agir seul. Le cou perclus d’humilité, je pris congé de lui, avant de me diriger vers le parc auto de la Primature où était garée la voiture Toyota devant servir à la mission dont l’objet devait m’être révélé par téléphone à 4h du matin. D’un pas léger, j’ai pris la voiture conformément aux instructions reçues. A ma grande surprise, je constatai que cette voiture que je devais emmener chez moi était bourrée de colis hermétiquement fermés. Mon cœur faillit s’arrêter. Etaient-ce des armes, des faux billets ou autres objets délictueux ? M’interrogeai-je. Du cabinet de la primature à mon domicile sis à la rue Loua au quartier Météo, dans l’arrondissement 2 Makélékélé, je fus hanté par le désir de tout dire à mon épouse, pour ne pas mourir comme un poulet.

Dans un premier temps, j’eu l’idée de faire ouvrir ces colis, et de prendre la poudre d’escampette avec cette bagnole, au cas où il s’agirait d’espèces sonnantes et trébuchantes, fussent-elles fausses, pour aller aussi humer l’air frais de Mpoutou (ndrl, France) en tant qu’exilé de ¨faux billets¨. Mais mon sixième sens, et, surtout, mon épouse me retinrent. Et je dûs donc me résigner à attendre l’heure H, c’est-à-dire 4h du matin, pour recevoir les dernières instructions que devait me donner monsieur Mahoungou Tekanima. Mon épouse, à qui j’avais tout dit, me réconforta et me rassura de sa présence à mes côtés le moment venu.



Une longue nuit

La nuit fut longue et pénible pour mon épouse et moi. Chrétienne pratiquante, elle psalmodia quelques prières pour que Tekanima (ndrl, tourner le dos, mot-à-mot en langue française) ne nous tourne pas le dos s’il s’agissait d’armes ou autres éléments dangereux pouvant conduire à mon arrestation. Je pris courage pour aller jusqu’au bout, afin de rafler ce beau pactole de 13 millions. Pauvre comme un rat d’église, je me dis que c’était une aubaine pour ma petite famille et moi-même. Seulement, l’énigme restait la contenance de ces colis empilés les uns sur les autres dans cette voiture que j’avais déplacée à mon domicile. Au-delà des idées oniriques, je me voyais déjà riche comme Crésus, à bord d’une Rav 4, (voiture à la mode dans les milieux des nouveaux riches de Brazzaville), prenant un petit déjeuner copieux aux côtés des célébrités de la capitale, chaussé de Weston et d’une veste Blazer cousue par un grand couturier de l’Hexagone… Ce n’était qu’un rêve. A 4h du matin, mon téléphone retentit, et d’un bond, je me réveillai. Mr Mahoungou était au bout du fil, et je compris que je sortais du monde de l’imaginaire. Peut-être, la réalité d’être proche de mon rêve était a ma portée, surtout lorsque je fis vrombir le moteur de la voiture à bord de laquelle se trouvaient les colis qui devraient me rapporter un trésor. Mon épouse, à bord, décida comme à la veille de ne pas me laisser seul dans cette aventure mystérieuse.



« Dépose les colis vers l’académie militaire, sur la nationale n° 2 »

– «Jacques, m’appela-t-il par téléphone, je suppose que tu es prêt ? » — Oui, lui répondis-je. Dépose les colis qui sont dans la voiture vers l’académie militaire, sur la nationale n° 2. D’autres consignes te seront données aussitôt que tu arriveras. Tel un météore, je roulais à tombeau ouvert sans savoir que je deviendrais un prisonnier. Arrivé à l’endroit dit « rond point Mikalou », des policiers en faction m’obligèrent à faire halte pour un contrôle de routine. J’eus peur mais ne perdis pas mon sang froid. C’est ainsi que je pris mon téléphone pour solliciter l’intervention du DAF. Ce dernier me recommanda d’user du trafic d’influence en leur présentant mon badge de chauffeur travaillant au cabinet du premier ministre et transportant ses colis qu’il attend imminemment! Sans perdre haleine, les policiers en faction ce jour là tremblèrent tels des feuilles mortes à la seule évocation du nom du premier ministre, et me laissèrent rouler à fond de train. Pied au plancher, je croyais avoir vaincu un grand obstacle. Mais c’était sans compter avec la hargne d’une autre équipe de sécurité placée à quelques encablures de l’académie militaire. Celle-ci m’obligea à me soumettre à un contrôle strict du véhicule, et ce malgré la courtoise présentation que je leur avais faite. Ma tête fit un tour lorsque ces éléments de sécurité mirent la main sur les colis que je transportais. Ils les ouvrirent en ma présence et découvrirent ce à quoi je n’y avais pas du tout pensé : 5 cercueils d’adultes et 1 d’un mort né. J’étais ahuri. Mon épouse aussi. Nous étions bouche bée, incapables de répondre à la moindre question des agents de sécurité. Qui y avait-il dans ces cercueils que les agents des forces de sécurité n’avaient pas pu ouvrir ? Toujours est-il qu’une fois alerté, le DAF fit intervenir illico presto les longs bras du directeur de cabinet de la primature, Dominique Bemba, pour soustraire la voiture que je conduisais et son contenu aux regards indiscrets. Et notre relaxe passa comme une lettre à la poste.



« Où sont mes 13 millions ? »

Sans se douter de quoi que ce soit, je me présentai le lendemain au cabinet, dans le but de reprendre mon service. A la surprise générale, le directeur de cabinet, Dominique Bemba, par ailleurs au parfum du transport de nuit des cercueils, me signifia mon renvoi sans motif par note de service n°00255/CPIB-MTACMM/CAB du 22 janvier 2010. Et il me paya mon salaire mensuel de l’ordre de 50.000 Fcfa. Mes yeux laissèrent dégouliner de grosses larmes. Quelques jours après, je revins quand même sur mes pas pour réclamer mes droits de licenciement et, surtout, les 13 millions qui m’avaient été promis par le DAF. Car j’estimais avoir accompli ma mission nonobstant le fait que je m’étais heurté à un contrôle de police hargneux. A ma sollicitation, Mahoungou Tekanima opposa une fin de non recevoir. Sur ces entrefaites, je m’étais rapproché d’un puissant député habitant le quartier Kinsoundi, à qui j’avais exposé ma mésaventure. Sans coup férir, il prit la décision de voler à mon secours. C’est à ce moment que je pus obtenir un chèque d’un montant de 1 million de Fcfa, à titre d’acompte ; avec une promesse ferme de me faire payer le solde (12 millions) à brève échéance. La suite va s’avérer l’occasion des rendez-vous manqués. D’attente lasse, mon bienfaiteur put obtenir un rendez-vous ferme auprès d’Isidore Mvouba, qui nous reçut avec joie en présence de son directeur de cabinet, Dominique Bemba et de son DAF, Mahoungou Tekanima.



« Garder confidentiel tout ce qui se dit ici… quand les mbochis règlent leurs problèmes ils vont le faire chez eux au village… », aurait dit Mvouba au cours d’une réunion à huis clos

Au cours de cette rencontre à huis clos, Isidore Mvouba promit de régler définitivement mon problème et nous enjoignit de garder confidentiel tout ce qui s’était dit entre nous, gens de la même contrée (ndrl, c’est-à-dire ressortissants du Pool), car poursuivra-t-il, quand les mbochis règlent leurs problèmes, ils vont le faire chez eux au village à l’abri des regards indiscrets et surtout loin de la présence de toute autre ethnie. En guise de bonne foi, le premier ministre me remit 200.000 Fcfa comme frais de transport, tout en me promettant fermement de me payer les 12 millions restants dans deux semaines. Mon bienfaiteur et moi étions rentrés avec plein d’espoir. Le jour du rendez-vous, à la place dite « rond point de la coupole », au centre ville de Brazzaville, mon bienfaiteur et moi, étions partis à la rencontre de Mahoungou Tékanima, l’émissaire d’Isidore Mvouba. A notre surprise, il nous remit la somme de 500.000 Fcfa que nous avions refusée de prendre étant donné que la promesse du premier ministre n’était plus respectée. Après une longue explication, le DAF de la Primature nous rassura que cette somme m’était destinée à assurer quelques problèmes d’intendance pendant la période des fêtes de fin d’année.



Recouvrement forcé au domicile de Mahoungou Tékanima

Après avoir longuement attendu la concrétisation de la promesse à nous faite par Isidore Mvouba, je décidai de solliciter à nouveau la bienveillance de mon bienfaiteur, afin qu’il use de son influence auprès de ce dernier pour m’aider à recouvrer ce que je considérais désormais comme une créance. Ce brave homme politique fit donc venir à son domicile Mahoungou Tekanima pour lui demander de faire respecter l’engagement pris par son chef. Comme pour se dédouaner, ce dernier se résolut à passer à table en nous demandant de garder secret ce qu’il nous confiait : il reconnaissait formellement que le vrai commanditaire du travail qu’il m’avait confié n’était autre que Isidore Mvouba lui-même. Sur ce, il suggéra à mon bienfaiteur de prendre attache directement avec le concerné. Nous avons donc compris que le recouvrement de ma créance devenait difficile. Mon bienfaiteur se découragea et m’abandonna à mon triste sort.
J’ai donc pris la résolution ferme de régler ce problème à ma manière, en m’adjugeant notamment les services d’un certain Massamba Derick, à qui je devais 75.000 Fcfa et dont les menaces à mon égard étaient devenues monnaie courante. Je lui ai donc proposé une espèce de troc : aide-moi à recouvrer par la force mes 12 millions auprès du DAF de la primature, et je te rembourserai tes 75.000 Fcfa majorés d’un pourcentage. Sans coup férir, ce dernier mordit à l’hameçon. Vers 18h 30, heure à laquelle Mahoungou Takanima est censé être à son domicile, nous avions décidé, mon compère et moi, d’aller rendre une visite discourtoise à celui qui m’avait fait la promesse dès le début de me payer 13 millions de Fcfa. Les mains nues mais comptant sur nos muscles, nous nous introduisîmes au domicile de mon débiteur. Malheureusement pour nous ce soir là, il était absent. Et nous dûmes nous en prendre à son épouse qui s’était par ailleurs montrée discourtoise à notre égard. De peur qu’elle n’alerte son époux absent du domicile, nous lui arrachâmes son téléphone cellulaire, tout en proférant des menaces verbales que nous reviendrons chercher notre dû.



« Nous n’avions commis aucun acte de braquage »

Contrairement à la thèse répandue selon laquelle nous avions commis un acte de braquage au domicile de Mahoungou Tekanima, (DAF d’Isidore Mvouba) d’où nous aurions emporté une somme de 900.000 Fcfa et autres objets de valeur, je jure la main sur le cœur que ce motif nous a été faussement collé dans le but de nous présenter comme de vulgaires criminels. Nous sommes ressortis de ce domicile rien qu’avec un téléphone portable que nous avions récupéré auprès de l’épouse de Mahoungou, afin qu’elle ne s’en serve pas pendant notre présence. D’où vient-il aujourd’hui que l’on veuille étouffer le trafic d’ossements humains à des fins de pratiques de magie noire pour être influent devant Denis Sassou-Nguesso, dit-on, dans lequel Isidore Mvouba et son acolyte Mahoungou Tekanima sont impliqués jusqu’au bout des ongles passe en pertes et profits, et que ce soit notre recouvrement de la créance de 12 millions au domicile de son DAF qui soit présentée comme un braquage ? Pire, après notre arrestation et pendant nos différentes détentions dans les commissariats et à la DGST, où nous avons subi des tortures insupportables, les services nous ont pondu une autre thèse aussi farfelue et bancale que la première selon laquelle nous étions impliqués dans une histoire de trafic d’armes devant servir au coup d’Etat de Jean Martin Mbemba. Comment pourrais-je faire un coup d’Etat avec quelqu’un que je ne connais même pas et que je n’ai jamais rencontré ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la piste du trafic d’ossements humains par Isidore Mvouba a été complètement ignorée au profit de celle de Jean Martin Mbemba. Selon ce que j’ai appris pendant ma détention, Mvouba aurait payé une forte somme d’argent pour sortir Mahoungou Tekanima des griffes de la DGST. Vrai ou faux ? Je constate qu’ils ne sont pas pour l’instant inquiétés. C’est plutôt moi, pauvre Malela Jacques, sans défense, sans argent, sans parents puissants, qui croupit dans les geôles de la Maison d’Arrêt de Brazzaville.

Christine BONAZEBI – La voix du peuple

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