Crédité dans les sondages d’environ 18% des voix, le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a récolté plus de 22% des voix au premier tour de la présidentielle, derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Une « remontada » propulsée par un vote utile inattendu, mais qui reste limitée par la peur du personnage controversé.
Dans les rangs de la gauche élargie, rassemblée autour de Jean-Luc Mélenchon, on commençait à y croire. Ces derniers jours, les sondages témoignaient d’une dynamique du côté du candidat insoumis. Démarré à 13% dans les intentions de vote, il était à 18% vendredi. Une forte mobilisation des sympathisants de gauche lui permet finalement de dépasser les 22%, une première pour un candidat de gauche hors Parti socialiste (PS).
Un « vote utile » chez les uns
Emmanuel Macron et Marine Le Pen auront siphonné le réservoir de vote du parti de droite Les Républicains, Jean-Luc Mélenchon aura mis à mal celui de Yannick Jadot, candidat d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) qui obtient moins de 5% des votes, et de la plupart des candidats de la gauche, complètement divisée pendant cette élection.
Ce vote utile, qui n’avait pas eu autant de force en 2017, s’explique par le rejet complet d’Emmanuel Macron par une partie de la gauche, après un mandat qui aura donné plus de gages à la droite qu’à la gauche. Un électrochoc également : pour la première fois, les sondages amènent la courbe des intentions de votes pour Marine Le Pen dans la marge d’incertitude de la courbe d’Emmanuel Macron au second tour, amenant les sympathisants de gauche à tenter de porter le seul candidat en position d’atteindre le second tour.
Sur Twitter, le hashtag « #CeseraMélenchon » était apparu ces dernières semaines. Des militants expliquaient dans de longs fils de tweets pourquoi ils soutiendraient, contrairement à leur intention originelle, Jean-Luc Mélenchon. Principales raisons invoquées : l’urgence climatique et une volonté de ne pas avoir à choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au deuxième tour. De la même manière, de nombreuses figures de la gauche expliquaient leur vote pour le candidat de l’Union populaire, malgré parfois de fortes divergences.
La journaliste et auteure Florence Porcel expliquait début avril qu’elle voterait Jean-Luc Mélenchon, tout en mettant l’accent sur son opposition forte à la politique énergétique du candidat. Pour elle, les arguments anti-nucléaire de la majorité des partis de gauche vont à « l’encontre des faits et de la science, et sont même parfois en rupture totale avec les lois de la physique » même si le programme de Jean-Luc Mélenchon « a beaucoup de qualités. C’est le meilleur à mes yeux sur le féminisme, l’écologie (hors énergie), la justice, la culture, la justice sociale, les services publics, les institutions… ».
Réticence chez d’autres
Reste que pour certains, Jean-Luc Mélenchon représente un pas encore trop difficile à franchir. Sa position sur la politique étrangère de la France, ses atermoiements sur la place de la France dans l’Union européenne dérangent. La position résolument pacifiste et non-interventionniste du candidat de gauche radicale, alors que la guerre en Ukraine poussait les Français à soutenir des livraisons d’armes dans le pays, bien qu’une grande majorité soit toujours opposée à une intervention militaire.
Des sympathisants de gauche lui reprochent également son caractère éruptif et même une sorte de « culte de la personnalité » au sein du parti de La France insoumise. Tous gardent en tête son « La République, c’est moi ! », lâché le 16 octobre 2018, lorsque le siège de LFI est perquisitionné dans le cadre de deux enquêtes préliminaires du parquet de Paris. Le candidat avait pourtant tenté de faire un effort pour lutter contre cette image d’homme seul, mettant en avant dans ses meetings l’équipe qui l’entoure, de Manon Aubry à Adrien Quatennens, en passant par Clémentine Autain ou encore Manuel Bompard.
Dans tous les cas, soutiens ou pas de Jean-Luc Mélenchon, les sympathisants de gauche n’ont pas de candidats au second tour. Ils arbitreront désormais entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon a d’ores et déjà appelé à ne pas donner « une voix à Marine Le Pen ». Le Parti socialiste d’Anne Hidalgo et Yannick Jadot, d’Europe Écologie-Les Verts, tous deux à moins de 5 %, ne verront pas leurs frais de campagnes remboursés : la gauche, si elle veut survivre, va devoir se restructurer et consolider ses alliances si elle compte continuer à exister dans le paysage politique.